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Histoire des modèles ouverts

L’histoire des modèles ouverts se lie intimement à l’évolution du numérique. Leur arrivée se fait progressivement en même temps que notre utilisation de cet outil s’intensifie.

Ce mouvement a commencé dans le monde du logiciel qui grâce à son contact direct avec l’informatique a pu apprécier cette capacité de partager une ressource, ici un logiciel, pour s’apercevoir que la collaboration ouverte pouvait apporter certaines propriétés uniques. Cette compréhension s’est faite en plusieurs étapes au fil de l’histoire de ces dernières décennies.

Petit à petit, le monde du logiciel s’est mis à plus ou moins directement influencer d’autres domaines d’activités. Ces dynamiques collaboratives se produisent dans tout le champ du savoir.

Modèles ouverts dans le monde du logiciel

Frise chronologique

Au début de l’informatique, le logiciel open source et la collaboration ouverte étaient techniquement impossible.

En 1945, le premier ordinateur pesait 30 tonnes, construit par des universitaires avec des programmes qui se faisaient sur des cartes perforées. Le premier programme numérisé apparaît le 11 juin 1948. Lorsque les premières entreprises à produire du matériel informatique puis des logiciels sont apparues, les logiciels étaient en quelque sorte “open source” même si le terme n’existait pas, le code source était fourni avec le matériel car les modèles économiques reposaient sur la vente des composants physiques. Les ordinateurs étaient réservés à des cercles restreint de spécialistes maîtrisant la programmation et qui étaient amenés à modifier les logiciels.

À partir des années 70, une nouvelle étape de la démocratisation de l’informatique s’opère avec l’arrivée de la “micro-informatique”, les ordinateurs deviennent plus personnels. Les bidouilleurs/hackers s’en saisissent en même temps que des nouvelles entreprises apparaissent comme Microsoft en 1975, Apple en 1977. Ces dernières voulant garder le contrôle sur les logiciels, le code se ferme progressivement, la propriété intellectuelle commence à s’appliquer au logiciel avec le Copyright Act de 1976. Le code source devient la propriété exclusive des entreprises, les logiciels sont distribués sans le code source sous forme d’exécutables.

En réaction en 1983, Richard Stallman annonce le projet GNU pour permettre à tous l’accès à un système d’exploitation libre ce qui permet de fournir la suite de logiciels nécessaire au fonctionnement d’un ordinateur. Il formule 4 libertés pour le logiciel : la liberté de l’exécuter, de l’étudier, de le redistribuer et en distribuer des versions modifiées.
La bataille est autant philosophique, avec le lancement d’un manifeste, que juridique. En 1989, la première version de la licence GNU General Public Licence est publiée. Le mouvement du logiciel libre prenait forme sous l’égide de la Free Software Foundation, formalisant le partage du code.

À la fin des années 90, un système d’exploitation GNU complet était presque prêt, seul le noyau manquait. À cette même période en Finlande, Linus Torvalds, encore étudiant en informatique, avait pour projet personnel d’en faire un pour son ordinateur. Sans motivation financière, il choisit en 1991 de partager son code sur Internet, qui murissait depuis 1969 suite au programme ARPANET et accélérait avec l’invention du World Wide Web en 1991 par Tim Berners-Lee. Comme un noyau est une pièce indispensable au fonctionnement d’un ordinateur, Linux s’est facilement répandu, chacun l’utilisant pour son usage personnel, tout en partageant des améliorations qui étaient intégrées par Linus. Vers la fin des années 90, Linux devenait un logiciel robuste, sous licence GNU GPL, massivement utilisé et co-produit par une armée de développeurs à travers le monde.

La façon de produire le logiciel était atypique et repoussait les limites de certains modèles de développement reconnus et enseignés, ce qui a questionné Eric Raymond. À partir de ses observations, il a tenté d’esquisser un ensemble de règles à appliquer pour le développement de son propre logiciel fetchmail. Voyant que ces 19 règles fonctionnaient, il les a partagées dans son essai The Cathedral and the Bazaar, proposant ainsi un nouveau modèle de développement. Son livre influença toute une partie du monde du logiciel, le terme open source est alors apparu, en partie pour des problèmes sémantiques, pour promouvoir ce nouveau modèle qui sera appuyé par l’Open Source Initiative. Cette méthode de développement voyant la collaboration ouverte comme un moyen plus efficace pour produire du code.

20 ans plus tard, le logiciel libre et open source (FOSS) structure notre écosystème numérique pour en devenir la norme.

Émergence des modèles ouverts en dehors du logiciel

Cette façon de partager puis de collaborer pour produire du logiciel s’est construite sur plusieurs décennies. Les informaticiens ont pu développer les infrastructures techniques qui ont rendu cela possible, découvrant progressivement et un peu par hasard le potentiel collaboratif du numérique. La démocratisation des ordinateurs, d’Internet et du web au reste de la société va influencer une multitude d’autres domaines qui puisent alors des inspirations dans les mouvements issus du monde du logiciel, donnant naissance à une multitude de modèles ouverts qui connaissent une vraie porosité entre eux.

Le terme open hardware apparaît vers 1997 par le co-fondateur de l’Open Source Initiative, les creatives commons en 2001 pour la publication de contenu, la technologie des wikis qui permet l’édition collaborative d’une page web émerge en 1995 avec Wikipédia qui s’appuie dessus en 2001, le concept d’open innovation se formule en 2003, open data en 1995… L’idée d’open science est un peu particulière, ce désir d’une science partagée débute très tôt du fait que les personnes à l’origine de ces outils étaient des universitaires, mais ce concept d’open science se formule plus explicitement dans la même période autour des années 2000. Plein de nouvelles dynamiques qui germent et se consolident petit à petit.

Pour nombreux de ces phénomènes, au même titre que dans le monde du logiciel, on devrait pouvoir observer un mouvement en 2 temps. Le partage des ressources intellectuelles dans un premier temps, puis la structuration de la collaboration ouverte grâce à l’évolution des infrastructures techniques, en parallèle d’une culture de la contribution qui grandit.

Des connaissances qui deviennent facilement accessible, coproduite massivement ce qui peut entraîner une solution de grande qualité grâce à ces particularités de l’intelligence collective, améliorable en continu, disponible à travers le monde entier.

C’est une mécanique qui semble prendre place, ce sont des changements en profondeur sur du temps long, mais qu’il serait possible d’accélérer en comprenant davantage le phénomène.